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CaDerange
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26 juillet 2014

Le chien et les chacals:Une fable de La Fontaine

Du coquin que l’on choie, il faut craindre les tours
> Et ne point espérer de caresse en retour.
> Pour l’avoir ignoré, maints nigauds en pâtirent.
> C’est ce dont je désire, lecteur, t’entretenir.

Après dix ans et plus d’homériques batailles,
> De méchants pugilats, d’incessantes chamailles,
> Un chien estoit bien aise d’avoir signé la paix
> Avecque son voisin, chacal fort éclopé
> A l’allure fuyante, que l’on montroit du doigt,
> Qui n’avoit plus qu’un oeil, chassieux de surcroît,
> Et dont l’odeur, partout, de loin le précédoit.

Voulant sceller l’événement
> Et le célébrer dignement,
> Le chien se donna grande peine
> Pour se montrer doux et amène.
> Il pria le galeux chez lui,
> Le fit entrer, referma l’huis,
> L’assit dans un moelleux velours
> Et lui tint ce pieux discours :
> « Or donc, Seigneur Chacal, vous êtes ici chez vous !
> Profitez, dégustez, sachez combien je voue
> D’amour à la concorde nouvelle entre nous !
> Hélas, que j’ai de torts envers vous et les vôtres,
> Et comme je voudrois que le passé fût autre !
> Reprenez de ce rôt, goûtez à tous les mets,
> Ne laissez un iota de ce que vous aimez ! »

L’interpellé eut très à cour
> D’obéir à tant de candeur.
> La gueule entière à son affaire,
> Il fit de chaque plat désert
> Cependant que son hôte affable
> Se bornoit à garnir la table.
> Puis, tout d’humilité et la mine contrite,
> En parfait comédien, en fieffée chattemite,
> Il dit : « Mais, j’y songe, mon cher,
> Nous voici faisant bonne chère
> Quand je sais là, dehors, ma pauvrette famille :
> Mes épouses, mes fils, mes neveux et mes filles,
> Mes oncles et mes tantes que ronge la disette,
> Toute ma parentèle tant nue que maigrelette.
> Allons-nous les laisser jeûner jusqu’au matin ? »

« Certes non ! » répliqua, prodigue, le mâtin,
> Qui se leva, ouvrit, et devant qui passèrent
> Quarante et un chacals parmi les moins sincères.
> Sans tarder cliquetèrent les prestes mandibules
> Des grands et des menus, même des minuscules.
> Ils avoient tant de crocs, de rage et d’appétit,
> Ils mangèrent si bien que petit à petit
> Les vivres s’étrécirent comme peau de chagrin
> Jusqu’à ce qu’à la fin il n’en restât plus rien.

Ce que voyant, l’ingrat bondit :
> « Ah ça, compère, je vous prédis
> Que si point ne nous nourrissez
> Et tout affamés nous laissez
> Tandis que vous allez repu,
> La trêve entre nous est rompue ! »

Ayant alors, quoi qu’il eût dit,
> Retrouvé forces et furie,
> Il se jeta sur son mécène,
> Et en une attaque soudaine il lui récura la toison,
> Aidé de toute sa maison.
> Puis, le voyant à demi mort,
> De chez lui il le bouta hors.
> Et l’infortuné crie encore
> «La peste soit de mon cœur d’or ! »

Retenez la leçon, peuples trop accueillants :
> À la gent famélique, point ne devez promettre.
> Ces êtres arriérés, assassins et pillards
> Marchent en rangs serrés sous le vert étendard.
> Vous en invitez un, l’emplissez d’ortolans,
> Et c’est jusqu’à vos clefs qu’il vous faut lui remettre.

 

Jean de LA FONTAINE

 

 

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Commentaires
S
On est dans "un sacré Pastis", certes! Et du Pastis au pastiche, il n'y a que quelques lettres à changer. Il vaut peut-être mieux en rire qu'en pleurer!<br /> <br /> Nous et nos descendants avons encore quelques décennies à souffrir. Mais, j'espère ne pas me tromper, je ne donne pas cher de l'avenir de l'islamisme. Comme le nazisme et le communisme, il finira par être mis hors d'état de nuire, ne serait-ce que par ses guerres intestines.
CaDerange
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