Sauvegarde d'Eurotunnel: un exemple d'application du "Chapter 11" américain

Vous avez sans doute entendu, dans l'affaire Eurotunnel, qu'en l'absence prévisible d'accord avec la totalité des créanciers pour restructurer sa dette, le PDG Jacques Gounon avait demandé au Tribunal de Commerce de Paris que son entreprise puisse bénéficier de la procédure de sauvegarde.

C'est sans doute la première application d'importance de la nouvelle loi de janvier 2005 sur la sauvegarde des entreprises en difficultés. Loi qui partait du constat qu'en France la mise en redressement judiciaire d'une entreprise se terminait dans 95pct des cas par sa liquidation judiciaire!

Cette nouvelle loi introduit dans le droit français certaines des dispositions de la loi sur les faillites américaine dite "chapter 11" dont vous avez sans doute entendu parlé et qui permet aux entreprises en difficulté de poursuivre leur exploitation en suspendant le paiement des créances dues.La quasi totalité des compagnies aériennes américaines ont été obligées ces dernières années d'en passer par cette procédure qui leur a permis néanmoins de survivre.

Dans la nouvelle loi Française comme dans le chapter 11 américain cette suspension du paiement des dettes se fait sous certaines conditions de durée et dans le cadre de la présentation et de l'acceptation par les créanciers de plan de restructuration pour ramener l'entreprise à un mode de fonctionnement viable.

Elle passe par la constitution de deux comités de créanciers , les banques d'un coté, les fournisseurs de l'autre.Par contre La procédure de sauvegarde, contrairement à la conciliation ou aux procédures américaines permet au PDG de conserver la direction de l'entreprise et donc de rester maitre du jeu. C'est sans doute ce qu'à voulu faire Jacques Gounon en la declenchant.

Sous sauvegarde, la société continuera d'opérer comme à l'accoutumée et avec les même structures mais sous l'oeil d'un administrateur judiciaire qui sera chargé d'orchestrer les discussions avec les créanciers " avec insistance" comme le prevoient les textes. Dans l'affaire Eurotunnel où le grand débat porte sur comment se répartir les pertes entre les différents types de créanciers, nul doute que cette procédure de gel de la dette pendant six mois renouvelable trois fois seulement forcera les différents créanciers à s'entendre.

Sur le fond , après plusieurs tentatives de règlement sous différentes directions, il semble que nous allions vers un règlement final du probleme de la grave insuffisance  de la structure financière de la société qui perdure depuis quasiment le début de son existence. Ce sera très douloureux pour banques et créanciers mais surtout pour les petits porteurs que les appels publics à l'épargne avaient attirés dans cette galère.

Bravo à Jacques Gounon, s'il parvient à ses fins, d'avoir réussi l'impossible pari de mettre tout le monde d'accord sur la répartition de l'ardoise à payer!