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CaDerange
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6 septembre 2009

Grand emprunt :Pourquoi?

J’avoue être assez sceptique sur le lancement de ce grand Emprunt dont notre Président semble féru et des raisons qui le poussent à le lancer.

Car enfin la France emprunte tous les jours sur le marché international des capitaux sans avoir à ma connaissance la moindre difficulté à le faire. Elle bénéficie même d’une excellente notation par les agences de notation, ce qui lui permet d’emprunter avec des intérêts minimaux.

Or la raison du lancement de l’emprunt Pinay par exemple était justement la difficulté à l’époque(1952) de trouver à emprunter à long terme du fait de la mauvaise situation économique en France. En dépit de notre niveau d’endettement très élevé, ce n’est plus le cas en ce moment, grâce d’ailleurs à l’adoption de l’Euro qui ne nous permet plus de faire tout et n’importe quoi sans se faire rappeler à l’ordre par les autres pays de l’Union Européenne qui en assurent la solidité économique.

Par ailleurs, les grands emprunts précédents ont toujours été assortis d’avantages et d’indexation diverses dont certaines ont été parfois catastrophiques .Ainsi en fut il du grand emprunt Giscard (pourtant un fort en thème) de 1973 indexé sur l’or qui a couté les yeux de la tête à la France du fait de la rupture du lien entre les monnaies et l’or de 1976. Il en couté quatre fois plus à le rembourser qu’il n’en avait rapporté!!

Autre exemple d’avantage fiscal associé à un emprunt, celui des Emprunt Pinay de 1952 et 1958 assorti d’une exonération de droits de succession et d’impôt sur le revenu moyennant en contrepartie un faible taux de rémunération. Un avatar qui ne peut plus nous arriver puisque désormais les successions sont largement détaxées.

Dernier en date celui lancé par Edouard Balladur  en 1993 pour boucher les trous de l’ère socialiste et, en principe, permettre aux français de participer aux privatisations de l’époque du fait de la possibilité qui était donné aux souscripteurs de convertir leur titre de l’emprunt en part des sociétés privatisées. Pas de chance, les français, tout juste sorti du socialisme mitterrandien, n’ont pas mordu à l’hameçon. Il a eu le mérite d’apporter l’argent qui manquait aux caisses de l’Etat mais pas de permettre que les français se réapproprient les grands groupes industriels ainsi laissé, malgré les noyaux durs balladuriens, à la convoitise du grand capitalisme international.

Le plus original, enfin, l’emprunt obligatoire de Pierre Mauroy de 1983 qui imposait aux contribuables payant plus de 5000 francs d’impôt de prêter à l’Etat 10pct de leur montant d’impôt sur le revenu et de l’ISF !!! 

Voyez que Grand Emprunt ne veut pas dire nécessairement bonne affaire pour l’Etat, non plus que pour le contribuable ou le souscripteur.

Revenons à notre question première du pourquoi de cet emprunt et de son utilité. De par la manière dont il a été annoncé, lors d’un discours devant les parlementaires réunis à Versailles, il semble bien lié à une de ces  pulsions dont notre Président est coutumier et qui lui fait annoncer régulièrement des décisions, parfois surprenantes, souvent inattendues et ne découlant pas nécessairement d’une étude approfondie de leurs conséquences( suppression de la publicité télévisée, du juge d’instruction. Etc).Il s’agit donc dans ce cas de trouver le financement à des projets considérés comme stratégiques et dont ce financement viendra se superposer début 2010 à celui du budget classique de la République, toujours financé par l’emprunt. Des dépenses supplémentaires qui viendront se rajouter à la charge du « service de la dette » annuel dont le montant correspond d’ailleurs actuellement au déficit du budget de la France.

Traduit dans le langage du ménage moyen français, ca veut dire que vous êtes déjà en une situation proche du surendettement, vous dépensez tous les mois, du fait de votre charge de remboursement d’emprunt mensuelle, 25pct de plus qu’il ne rentre d’argent dans le ménage à la fin du mois  et vous décidez néanmoins, sans un sous vaillant à apporter en capital, d’investir lourdement dans différents projets.

La commission de surendettement vous expliquerait sans doute, si elle en était saisie, que c’est déraisonnable. Mais voila c’est le Président de la République qui en a décidé ainsi. Il a obtenu la caution de deux anciens premiers ministres, peut être un peu âgés certes, et a monté pour ce faire, une commission de 18 membres et quatre rapporteurs, sans doute généreusement défrayés, pour lui proposer  des secteurs et des investissements stratégiques, le tout pour un montant d’emprunt dont on pense qu’il pourrait atteindre les 80 à 100 milliards d’euros.

Sur le fond, ce n’est pas une mauvaise idée en soi d’investir dans de projets porteurs d’avenir. A condition  qu’il s’agisse d’investissements réellement productifs à court ou moyen terme et pas d’une nième couche de dépenses qui viendra se surajouter aux dépenses classiques de l‘Etat dans ses missions régaliennes, dont on sait qu’elles sont, par nature, des coûts sans nécessairement de retour sur investissement comme on les conçoit dans l’industrie. Or notre Président en définissant les secteurs prioritaires des défis redevables de cet emprunt semblent mélanger allègrement des taches régaliennes de l’Etat, comme les universités, d’autres comme le renforcement des fonds propres des PME  dont la démarche semble indiquer une intrusion de l’Etat dans la gestion des  PME et du soutien aux investissements industriels stratégiques pour lesquels l’Etat interviendrait de toute façons, si le besoin de son aide se faisait sentir.

Alain Juppé a néanmoins recadré le débat vers des choses exceptionnelles qui soient génératrices de croissance et de progrès et qui ne soient pas mis dans les circuits traditionnels des ministères. Des investissements différents de ceux du plan de relance qui eux suscitent de l’emploi dans des projets d’infrastructures sans rentabilité établie.

Restera donc à trouver ces secteurs d’activité et ces projets véritablement industriels et présentant une vraie rentabilité à court terme. Des projets que ne se terminent pas dix ans plus tard en flop monumental comme il en existe en grand nombre dans l’histoire de la République.

Attendons de voir ce qu’il sortira de cette pulsion présidentielle à motivation tout  autant médiatique qu’industrielle et souhaitons bonne chance à ses deux coprésidents pour arriver à  la maintenir en dehors des sentiers battus d’une couche additionnelle de dépenses budgétaires. Ce sera dur !!!

NB La question de fond reste posée. Pourquoi un Grand Emprunt plutôt que d'emprunter classiquement sur le marché? Pour l'aspect médiatique de la demarche qui est celle qui visiblement prime de nos jours? Je vous laisse répondre.         

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