Vers la pénurie d 'électricité?

C'est le constat qui résulte de plusieurs études, colloques et déclarations concordantes sur l'état des capacités de production d'électricité en Europe dans les périodes de pic de demande.

Nos producteurs d'électricité sont censé en effet travailler en permanence avec une marge de sécurité de capacité de production pour pourvoir satisfaire les aléas de la demande et de la climatologie. Elle était de l'ordre de 5pct de capacité excédentaire immédiatement mobilisable. Mais de nombreux paramètres nouveaux liés à l'Europe, à l'ouverture des marchés, au refus du nucléaire,au developpement de l'éolien malheureusement inutile pour les périodes de pic de demande, au vieillissement du parc de production européen et à l'ambiguité sur les responsabilites de la couverture de ces pics de demande dans une économie concurrentielle sont venus considérablement troubler la donne.

L'observatoire européen des marchés de l'Energie que publie Cap Gemini, la journéee franco italienne de l'energie organisée par Sciences Po le 28 septembre et la déclaration récente de Pierre Gadonneix sur le sujet à Flamanville vont tous dans le même sens. Nous allons manquer d'électricité à court terme et les investissements à prévoir pour éviter la catastrophe qui se profile sont colossaux.

D'après le PDG d'EDF, P Gadonneix il faudrait construire en Europe sur les prochaines trente années pas moins de 600 Gigawatts de capacité de production nouvelles soit l'équivalent de six fois le parc de centrales nucléaires français actuels qui se monte à 58 centrales. Pourquoi cela? Parce que tout d'abord la consommation continue à progresser tranquillement de ses 2 pct par ans sans que le consommateur ne devienne vertueux. L'époque où les tours de la Defense s'éteignaient le soir est bien passée et la conscience que l'electricité n'est pas inépuisable non plus n'existe pas. Les dernières statistiques sur l'évolution de nos émissions de gaz à effet de serre sont parlantes à ce sujet, l'industrie a réduit ses émissions de 22 pct tandis que le résidentiel a augmenté les siennes de 22 pct.

Ensuite parce que le parc de production actuel dans toute l'europe quelque soit l'énergie primaire utilisée, date partout de l'époque des trentes glorieuses, c'est à dire qu'elle arrive à la période de son renouvellement. C'est le cas en France où il va falloir renouveler tout le parc de centrales.C'est le cas dans les nouveaux membres de l'Europe où les centrales, souvent nucléaires et d'origne soviétique, sont encore bien plus vétustes.Par ailleurs la croissance industrielle s'effectue désormais dans ces pays et qui dit croissance des activités humaines dit croissance des besoins en électricité.

Enfin l'ouverture des marchés européens introduit une dose d'incertitude de plus. Nul ne sait maintenant qui est supposé assurer les pics de demande, l'opérateur historique ou les nouveaux opérateurs. Car la couverture des pics se fait avec des centrales au fioul, couteuses car très peu utilisées. Une vrai activité de service public non rentable! Nul ne sait plus vraiment pour un opérateur historique, quelles sont les priorités, investir dans le pays d'origine pour remplacer les équipements existants ou dans les autres pays européens pour y disposer de sources d'électricité proches et alimenter son développement commercial. Ou encore racheter  un concurrent avec les lourds engagements financiers que cela représente. Dans ces questions à choix multiples je crains que la question de l'accroissement du parc de production national ne passe au dernier rang sauf si l'Etat ne les imposaient à tous. 

Il est d'ailleurs symptomatique que ce soit Monsieur Gadonneix qui lors de sa visite à Flamanville ait soulévé la question de, je cite, " l'urgence de la construction de nouvelles centrales de production en France et dans tous les pays d'europe car il y aura des pénuries d'électricité au moment des pointes". Qui visait il en disant cela? Si lui même qui, comme président d'EDF, a un certain pouvoir sur ces décisions ne le sait pas, on ne peut qu'être inquiet sur la manière dont nos besoins seront couverts dans un avenir proche...   

Un autre élément perturbateur dans ce débat est l'incertitude qui reigne sur les sources d'énergie primaire utilisables. L'opinion publique  est fortement opposée au Nucléaire alors que c'est la seule possibilité de production d'énergie de masse qui ne produise pas de CO2. Les substituts pour la production de masse existantes, le gaz naturel et le charbon produisent tous les deux du CO2. Parmi les autres sources, l'hydraulique est quasiment saturé et les écologistes sont contre (??), la géothermie est très limité et l'éolien est une aide utile mais qui ne sera jamais une production de masse et qui ne pourra resoudre les problèmes de pic de demande pour la bonne raison que c'est justement dans ces periodes de pic de demande que le vent est aux abonnés absents! Le photovoltaïque ou l'hydrogène en sont encore à leur balbutiements.

Sur le plan financier, on parle de 700 Milliards d'euros à investir d'içi 2030. Sur le plan opérationnel construire le nombre de centrales correspondant à la capacité de production à créer ,quel que soit leur type, est un défi tout à fait considérable sur les 25 années à venir.Au point que certains spécialistes estiment déjà que nous n'y réussirons pas.

S'occuper de diminuer nos émissions de CO2 conformement au protocole de Kyoto, c'est bien, mais à condition que nos capacités de production d'électricité couvrent aussi nos besoins.Car les Français ne me paraissent pas prêt à en supporter la pénurie. Et comme personne n'a osé leur dire que respecter Kyoto passera par un changement drastique de manière de vivre, je crains qu'ils ne le prennent mal et accusent leurs hommes politiques de les avoir trompés une fois de plus.

C'est la raison pour laquelle je pense utile de vous prévenir. Incidemment si vous voulez avoir une idée de l'après petrole, je vous invite à relire mon message du  12 novembre 2005.