Ports à conteneurs:Recollons au peloton...

Etre compétitif avec les Chinois au niveau de salaire et de protection sociale qui prévalent dans ce pays est, de toute évidence, tache impossible. Raison de plus pour que, dans tous les domaines où la competition est réduite de par la technologie ou la géographie, nous  essayions de faire le plein des activités et donc des emplois dans ces domaines.

C'est la reflexion que me suggère, cette semaine, l'annonce de l'inauguration du nouvel appontement du Port du Havre destiné à la manipulation des conteneurs. Les conteneurs, vous connaissez, ce sont ces "boites" metalliques que vous rencontrez parfois sur nos routes ou que vous voyez, haut sur la mer, sur les bateaux qui les transportent, les porte-conteneurs, si d'aventure vous allez au bord de la mer près d'un port marchand. Le conteneur a revolutionné le transport maritime en industrialisant sa manipulation, en rendant fluide le passage de la mer au transport terrestre et en diminuant considérablement les temps de résidence des bateaux, énormes investissements, dans les ports.

Il était donc essentiel de ne pas manquer ce tournant de la technologie du transport maritime car les occasions de "rebatttre les cartes" dans un domaine industriel ne sont pas fréquentes. Nous avons deux ports dont on peut dire que la situation est exceptionnelle en Europe, Le Havre sur la façade atlantique, premier port sur les routes maritimes en provenance de l'ouest et Marseille, meilleur emplacement portuaire en Méditerrannée.

Et pourtant, nous avons d'ores et déjà manqué le coche. Une preuve? Le nouveau Port à Conteneurs du havre qui vient d'être inauguré s'appelle...Port 2000! De part l'année à laquelle il était supposé être mis en exploitation. Il arrive en 2006, six ans après. Croyez vous que la concurrence nous ait attendu tout ce temps? Bien sur que non. Nos grands concurrents que sont les ports de Rotterdam et d'Anvers, pourtant plus mal placés, traitent respectivement 8 et 6.6 millions de Boites par an quand le Havre en traite 2 pour l'instant.

Plus au Sud, Marseille a largement loupé le virage vers le traffic des conteneurs puisqu'il n'en reçoit et manipule qu'un million par an à la 74eme place mondiale de tous les ports du monde. Il a un projet appellé Fos 2xl mais qui n'en est pour l'instant qu'au stade des discussions dans lesquelles il semble bien englué d'ailleurs. Nul doute que les grèves et blocages du port liées au conflit de la SNCM n'ait durablement oriéntées les compagnies maritimes vers Gênes.

Ce type d'investissement est pourtant générateur d'emplois directs et indirects par le developpement du transport maritime lui même, par celui des fournisseurs de services nombreux qui vont avec et par celui de l'industrie des transports terrestres qui prend le relai une fois le conteneur à terre. De plus ce sont des emplois non délocalisables et la seule concurrence est celles des autres ports européens avec des couts salariaux pas très différents des notres.

Alors pourquoi ça n'a pas marché? Une combinaison de manque de dynamisme des pouvoirs publics locaux et nationaux, d'absence de coordination et de dynamisme pour les transports terrestres, la SNCF fret pour ne pas la nommer, et les blocages syndicaux exacerbés dans une profession où il faut d'abord avoir sa carte du syndicat CGT pour pouvoir être embauché. Comme le syndicat du Livre à une époque.

Car la compétition se fait d'une part sur les temps de rotation des navires et donc la productivité des grutiers et portiqueurs, sur les couts de passages,sur la régularité des services, et en arrière plan sur les facilités de reprise des conteneurs par les transports terrestres.Or les matériels sont vétustes, l'Etat qui gére ces infrastuctures, après n'avoir investi que très peu, est devenu impécunieux et les effectifs sont pléthoriques (rapport officiel de 2002) et couteux. Quant aux moyens pour emporter les boites , ils sont à 85 pct routiers, là ou Rotterdam dispose d'un train de 1200 tonnes tous les jours vers l'Allemagne, la Suisse et l'Italie.

Les Compagnies Maritimes avaient exprimées leur accord de participer financièrement aux investissements sous reserve que ce soient leurs personnels qui manipulent les nouveaux portiques.L'opposition syndicale sur ce sujet a été une de causes principales d'un si long retard entre projet et mise en oeuvre. La dispute n'est pas terminée d'ailleurs puisque seul la CGM va demarrer son exploitation avec du personnel mis à disposition par le Port Autonome du Havre et qui n'a pas encore donné son accord sur les conditions salariales.Le danois Maersk, premiere compagnie maritime mondiale, a d'ailleurs repoussé sa venue au Havre tant que des conditions stables d'exploitation et de paix sociales ne seront pas assurées.

Un grand bravo néanmoins pour ce pas en avant important effectués dans l'insdustrialisation de notre premier port à conteneur. Mais quel dommage quand même que nous laissions passer de si belles occasions de créer activités et emplois...