Areva:Qui trop embrasse, mal étreint?
J'avais eu l'occasion, dans ces colonnes, de passer en revue les activités d'Areva pour vous en décrire les forces et les faiblesses et pour essayer de prédire son évolution future. Coté forces, je vous avais signalé l'intégration des activités de la société, de l'exploitation du minerai et de son enrichissement, jusqu'à la conception du réacteur et sa construction, et enfin jusqu'au retraitement du combustible nucléaire. Coté faiblesse, le syndrome du "Qui trop embrasse, mal étreint", pourrait on dire, avec un éventail d'activité sans doute trop étendu pour une société de cette taille.
Parmi ces activités, un mouton noir, l'activité de Transmission et Distribution d'électricité, Areva T & D, hérité d'Alstom au moment des difficultés financières de cette derniere société et que Areva a su brillamment développé, mais qui est trop éloigné de son spectre d'activité pour pouvoir bénéficier de la même attention et des mêmes moyens financiers et industriels que les autres branches de la société. Son actionnaire principal, l'Etat, à court de moyens financiers, en a d'ailleurs jugé comme moi qui a forcé Madame Lauvergeon à vendre cette pepite pour pouvoir financer ses autres activités purement nucléaires.
Un élément a précipîté les évènements, le désastre annoncé du chantier du premier EPR au monde , celui d'Olkiluoto en Finlande qui a pris 3 ans et demi de retard(!!!) par rapport aux prévisions initiales et surtout 80pct de dérapage des couts avec un prix estimé de la constructuon finale évalué désormais à 5.3 milliards d'euros au lieu des 3 initiaux.Qui va payer? L'electricien finlandais qui l'a commandé,TVO, s'est exprimé dans la presse récemment pour dire que ce ne serait pas lui, qu'il était prêt à prendre en charge les modifications mineures demandées mais surement pas ce qui, à son sens, est le problème majeur, la non disponibilité en temps voulu des plans détaillés et de l'ingénieurie du projet. Comme si Areva, tout en présentant l'EPR comme un produit achévé, n'en avait commencé l'ingenieurie qu'après l 'obtention du projet finlandais et la signature du contrat.
Or ce qui était acceptable du temps de la construction des premières centrales nucléaires, il y a trente ans, entre deux entités juridiques du même actionnaire à 100pct l'Etat, ne l'est plus entre deux entreprises totalement indépendantes l'un de l'autre et dans deux pays différents. Il n'est plus possible de positionner le mistigri financier des erreurs accumulées, dans la société la plus solide. Areva l'a bien compris qui provisionne à tout va les pertes prévisibles de cette aventure loupée mais qui finalement lui permettra de disposer d'une ingénieurie de base solide et d'un concept prouvé là où ses concurrents en sont exactement dans la situation d'Areva au démarrage de la construction d'Olkiluoto, à la table à dessin.
Il reste à espérer que,dans cette bagarre, la pépite Areva T & D, restera en France, c'est à dire de retour chez Alstom, et ne passera pas sous pavillon américain avec GE, ou japonais avec Mitsubishi.
NB En parallèle, on s'apercoit que le FSI, fond stratégique d'investissement, a de plus en plus tendance à investir dans des canards boiteux à sauver de la faillite industrielle et sociale(cf Heuliez, le roi de la voiture électrique !!) que dans des activités véritablement porteuse d'avenir. On s'en était douté dès le début