Une autre approche de la solidarité, la baisse des salaires ?
En France, si une entreprise a besoin de se restructurer pour cause de crise économique, perte de competitivité,ou évolution des techniques, notre Code du Travail a prévu que la direction puisse préparer la dite restructuration, identifier les postes qui seront supprimés, proposer un plan social à discuter avec les syndicats, faire approuver le tout par l'inspection du travail et mettre en oeuvre ce plan de "retour à la croissance" ou "d'ajustement conjoncturel" ou tout autre dénomination. Il se traduit finalement en pratique et en contradiction avec les dispositions du code du travail(!!), par le départ des anciens en retraite anticipée, financé ou non par l'Etat, et la conservation dans l'entreprise des jeunes, censés être plus dynamiques, plus au courant des techniques modernes et surtout moins couteux.
Tout ceci est vrai à condition que vous soyez dans une grosse société qui puisse financer tout cela. Dans une PME ou une société moyenne, ca se termine le plus souvent par un partage du personnel en deux classes, ceux qui restent dans des conditions inchangées et ceux que l'on confie aux Assedics ou aux Assedics puis aux Caisses de retraites. Un processus et des conditions de départ qui beneficient d'un large consensus social.
Il y a eu, il y a une quinzaine d'années, alors que nous n'arrivions pas à maitriser le chomage, un débat public sur le partage du travail comme moyen de le juguler La logique de cette idée de partage du travail était que, puisqu'il n'y avait pas de travail pour tout le monde, mieux valait le partager, c'est à dire travailler moins longtemps, conserver au travail ceux qui auraient du normalement partir dans une restructuration classique et...partager les salaires. De mémoire les chantres de cette idée de partage du travail furent Pierre Larrouturou( la semaine de 4 jours) ou Gilles De Robien.
Il en sortit la loi de Juin 1996 dite De Robien qui permettait en cas de difficultés à une entreprise de conserver le personnel, descendre à 35hrs par semaine et de diminuer les salaires en proportion ou partiellement avec l'appui de diùinution de charges sociales . En quelque sorte, une autre forme de solidarité dans laquelle, au lieu d'éliminer un certain nombre de salariés au profit des Assedics et de conserver les autres dans les mêmes conditions, on conservait tout le monde en se partageant la masse salariale disponible.
Puis vinrent Lionel Jospin et Martine Aubry qui reprirent l'idée à leur compte mais en la transformant en réduction du temps de travail à 35 hrs/semaine.... avec maintien du salaire inchangé. Ce qui en supprimait l'utillisation possible comme outil de régulation du chomage puisque ca se traduisait immédiatement, au contraire, par une augmentation de la masse salariale de 11 pct! L'histoire a montré depuis que c'était une mesure à contre temps de l'époque économique qui se profilait et une occasion manquée de trouver un outil de maitrise du chomage. Ce sont les inconvénients d'avoir des politiques idéologiques sans expérience pratique aux commandes d'un pays...
La réduction des salaires est apparu aux Etats Unis d'abord avec Hewlett Packard, Caterpillar, Hetz, l'informatique et l'industrie de la presse, peu à peu tuée par Internet. C'est ce qu'on appelait la bas la "Hair Cut", la "Coupe de Cheveux", sans doute pour montrer que c'était mineur.L'idée est arrivée via les filiales de ces groupes jusqu'en France où elle fut très mal reçue sans que l'on se donne la peine de réfléchir au fait que cétait une autre forme de solidarité. Elle eut quand même quelque succès, pas chez HP trop socialement difficile mais chez Hertz où, à ma connaissance, elle a obtenu 67 pct de réponses favorables.
Signalons néanmoins qu'en ce qui concerne les cadres et en particulier les cadres commerciaux leurs rémunérations avaient été amputées automatiquement et discrètement par la diminution de la partie variable de leurs salaires, généralement assises sur des objectifs de ventes ou de production qu'il n'était plus possible de tenir dans les circonstances actuelles. Elles touchent 37 pct des cadres dont cette partie variable se monte à 14pct en moyenne.
Le Code du Travail rend des modifications du salaire de base très compliquées et très lourdes en France car il est impossible de négocier collectivement des accords de ce type avec les syndicats( dans la mesure où ils seraient réceptifs à l'idée...). Le contrat de travail qui fixe l'accord entre le salarié et l'entreprise est en effet un élement totalement individuel qui ne peut être modifié que d'accord partie, salarié par salarié. Par ailleurs cela crée deux catégories de salariés, ceux ayant accepté la baisse de salaire et ceux ayant réfusés alors qu'en principe " A travail égal, salaire égal".Que se passera t il si par la suite il faut quand même diminuer les effectifs? Les "réfuzniks" seront ils licenciés en priorité? De toute évidence il n'y a pas de jurisprudence dans ce cas.Et comment traitera t on les salaires dans l'avenir? Ratrapage ou maintien de la différence? Vous voyez le casse tête que risque de poser la gestion de ces populations à deux vitesses.
Dernieres propositions de baisses de salaires. La demande de British Airways à ses salariés de faire cadeau à leur société en difficulté d'une semaine ou d'un mois de salaire que vous voyez sur vos écrans en ce moment.
Autre cas de figure récent, la société Osram, filiale de Siemens qui possède une usine de fabrique de lampes à incandescence ( en voie de disparition donc) à Molsheim en Alsace qui emploie 600 personnes. Osram a proposé une baisse de salaire à ses salariés pour maintenir le maximm d'effectifs ou les reclasser. 108 d"entre eux ont réfusés. Etape suivante de ce fait un plan de restructuration avec un plan de licenciement pour les 108 salariés ayant refusés la baisse de salaire. Nul doute que cette affaire va donner lieu à procès et à un imbroglio juridique compliqué.
Voila où nous en sommes aujourd'hui. Une situation embarrassante dont on ne sait pas trop comment elle pourra être gérée entre un Code du Travail qui ne prévoit pas vraiment le cas de figure, une jurisprudence inexistante et un débat public sur un type inattendu de solidarité qui n'a pas eu le temps de se dérouler.A tout le moins il faudrait encadrer dans des limites acceptables ces réductions de salaires et définir les compensations minimales acceptables.
Que ceux qui souhaitent commenter ou apporter leur expérience personnelle ne s'en privent surtout pas...