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CaDerange
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29 mai 2009

Commerce Equitable….Discutable ?

Vous avez sans doute remarqués dans vos supermarchés habituels que c’est la semaine du Commerce Equitable. Vous avez peut être eu l’occasion de voir aussi à la télévision une émission qui portait sur ce type de commerce, ses spécificités et son évolution.

Dans l’esprit où il a été lancé il y a une ou deux décennies, il s’agissait d’une opération humanitaire visant à rémunérer davantage le producteur de denrées agricoles et alimentaires, en bout de la chaîne de production dans les pays du tiers monde, censé être moins capable de se défendre contre les acheteurs occidentaux et les grands du négoce des matières premières, dans le Commerce Equitable que dans les circuits traditionnels de commercialisation. En d’autre termes, le producteur ou son produit était sensé être payé plus cher au départ dans le Commerce Equitable et en contrepartie le produit final  à la vente auprès du consommateur était vendu plus cher que son équivalent du commerce traditionnel. C’est un prêtre ouvrier néerlandais qui eut l’idée de ce type de commerce et créa le label très connu, devenu depuis quasiment une marque, Max Havelaar. Du fait de ce caractère humanitaire, les produits du commerce équitable étaient essentiellement des productions du tiers monde, café et chocolat en tête

Les débuts dans le circuit de distribution des boutiques spécialisées ne furent pas très positifs et il fallut que ces produits pénètrent dans la Grande Distribution pour que lerus ventes décollent réellement. Une Grande Distribution qui , comme je vous l'avais signalé alors, joua d’ailleurs le jeu du développement de ces produits, soucieuse qu’elle est  parfois de montrer sa réceptivité aux problèmes du monde et sa citoyenneté. Le modèle économique du Commerce équitable passa donc par la Grande Distribution,ses grands volumes et ses prix tirés.

Après Max Havelaar, d’autres sociétés se lancèrent dans ce type de commerce comme Alter Eco ou Ethicable et des intermédiaires apparurent qui allaient chercher le produit au fin fond des forêts ou des jungles pour le livrer à l’autre intermédiaire de cette chaîne, celui qui produit et conditionne le produit final commercialisé in fine dans les rayons des hypermarchés.

Dans ce partage des rôles, si les volumes sont bien là, les méthodes d’achat, celles de la grande distribution, y sont également qui se traduisent par une pression permanente à la baisse nécessaire, d’après la grande distribution,  à la croissance du marché, à sa démocratisation et in fine au plus grand bien des producteurs ! L’émission de télévision semblait montrer, qu’il n’était pas évident que le producteur de fèves de cacao du Guatemala ou d’Amérique latine soit tellement mieux traité que le producteur classique.

J’avais eu l’occasion de voir en Afrique les prestations de Fairtrade, l’association qui commercialise le label Max Havelaar, sur lesquelles j’étais resté dubitatif. Fairtrade proposait en effet à toute association de producteurs ou intermédiaire désireux de commercialiser des produits sous ce label, un contrat l’autorisant contre rémunération à l’utilisation du label, lui assurant l’inscription sur la liste des producteurs Max Havelaar, et lui fournissant en retour la liste des « clients » ou  acheteurs de produits à ce label. L’association de producteur, l’intermédiaire ou l’organisme commercialisant cette production était censée faire son affaire des négociations commerciales avec les dits clients et acheteurs.

Par contre l’association de producteurs devait faire approuver par un organisme appartenant à Fairtrade et relativement coûteux, les sites de production, la chaîne de transformation, la qualité des produits, l’utilisation du label et les conditions de rémunération plus favorables des producteurs. L’entrepreneur et les associés qui souhaitaient monter cette chaîne de production, de transformation et de commercialisation, de café en l’occurrence, à ce label ne m’avait pas paru garantir, en dépit de leur discours, l’arrivée effective jusqu’au paysan producteur, du surcroît de rémunération que le label devait lui assurer. Et Fairtrade ne m’avait pas paru être en mesure, une fois le contrat signé, de vérifier et de faire respecter cet élément essentiel du Commerce Equitable .

Peut être, me direz vous, ais je tendance à voir les choses négativement ou le verre à moitié vide. Les allées du commerce sont hélas pavées de bonnes intentions qui ne se sont pas souvent traduites en une réalité concrète. J’ai quelques doutes que le surcroît de prix que le consommateur accepte de payer pour des produits du Commerce Equitable se retrouve bien et en totalité dans la poche du petit producteur et paysan. Il est vraisemblable par ailleurs que ce mode de production et de distribution coûte plus cher que la distribution traditionnelle et ses gros volumes.

Loin de moi l’idée de vous dissuader d’acheter des produits du Commerce Equitable. Pour le surcoût que cela représente, ça reste une bonne action et il vaut mieux faire le pari que ce surcoût arrive bien au producteur. Sachez seulement que ce système de label  ne me parait pas garantir le paiement effectif au petit producteur du prix supplémentaire que vous mêmes payez en l'achetant.

NB Les pouvoirs publics, dont c'est le rôle régalien de régulateur( Cf les produits financiers!) devaient règlementer les labels de ce Commerce Equitable. Il créa même une Commission Nationale du Commerce Equitable, une de plus, par un décret de 2007.Hélas, depuis la dite commission ne s'est jamais réunie!La création de la semaine du Commerce Equitable aura au moins eu le mérite de réveiller le Ministère en charge de cet organisme, le secrétariat d'Etat charge du commerce, qui s'active désormais à réunir le premier groupe de travail sur le sujet. Il serait intéressant de savoir si l'inaction de la dite Commission provient de sa non création effective ou bien si elle a effectivement été constituée dotée de membres rémunérés mais qui ne se sont jamais réunis tout en en percevant les rémunérations?       

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Commentaires
G
L'idée fondatrice du Commerce équitable concernait essentiellement les produits issus des pays du tiers monde ou des pays en développement, considérant, à juste titre, que les producteurs de ces pays ne recevaient pas le juste prix pour leur prestation. Aujourd'hui encore, lorsque l'on parle de commerce équitable, c'est à ces pays que l'on pense....<br /> L'actualité montre, cependant, que les pays du tiers monde n'ont pas le triste monopole de l'inéquité : en France, les producteurs de lait se voient imposer le prix d'achat de leur lait par les industriels de la transformation ! En 2009 ces mêmes producteurs se sont vu imposer un prix de 30% inférieur à celui du même mois de 2008 et, bien sûr, à un niveau largement inférieur à leur prix de revient ! Et, pour ces producteurs, l'affaire est à prendre ou à laisser : l'option est d'accepter de travailler à perte ou mettre la clef sous la porte ! Dans le même temps, le prix du litre de lait dans les rayons des super-marchés est resté le même, quand il n'a pas augmenté ...! Où est l'équité dans cette affaire ? <br /> Au delà des clarifications qui semblent nécessaires dans les circuits du commerce équitable existant - ce que montre très bien ton analyse - je pense qu'on ne doit pas oublier ceux qui, dans notre propre pays, subissent la loi des puissantes industries agro-alimentaires et autres centrales d'achat et doivent, eux aussi, accepter de travailler "pour la gloire" ...
CaDerange
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