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CaDerange
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17 février 2009

Partage du profit:Simplisme et mélange des genres?

Notre Président a exprimé lors de sa dernière intervention télévisée sa vision idéologique de comment devrait être partagé le profit des entreprises, en trois parts égales, un tiers pour les salariés, un tiers pour l'investissement et un tiers pour l'actionnaire. Une vision qu'il avait déjà eu l'occasion d'exprimer au cours de sa campagne ou depuis. La différence, cette fois c'est qu'il entend que les partenaires sociaux en discutent, maintenant et tout de suite, ce qui signifie, dans son style de management, qu'il entend que cette vision idéologique soit mise en musique, et vite, dans nos lois.

Comme j'ai eu l'occasion de l'exprimer dans un message du 14 fevrier, je ne suis pas sur que ce soit vraiment le moment, en pleine crise économique, de vouloir changer les bases du fonctionnement du système capitaliste, car c'est de cela qu'il s'agit! Une question sur laquelle des théoriciens de l'économie travaillent depuis des siècles avec des fortunes diverses dont le dernier avatar, le communisme de Karl Marx, a conduit au bout de 70 ans à un désastre économique, social et écologique. Seule vrai alternative essayé au capitalisme, le communisme a buté rapidement dans les années 1917/1920 sur l'égalité des salaires pour tous, du directeur au balayeur, qu'il a fallu abandonner vite fait pour une vision plus réaliste du partage responsabilités/salaire, le stakhanovisme. Plus tard, il s'est traduit par l'absence de motivation des "travailleurs", la fonctionarisation, la sclérose et finalement l'écroulement économique de toute une société pour avoir oublié que l'économie c'est d'abord l'initiative individuelle, la prise de risque et la récompense des efforts et des risques consentis. Supprimez ces initiatives et diminuer la récompense pour les risques pris et vous modifiez considérablement la motivation des moteurs du système, les créateurs et proprîétaires d'entreprises et leur traduction moderne dans le système capitaliste, les actionnaires.

Car quand on dit qu'il faut repartir en trois tiers les profits des sociétés , il s'agit, si, je comprend bien, de diminuer la part de l'actionnaire pour en donner davantage aux salariés et augmenter les investissements. Or il me semble que l'on mélange les genres dans cette répartition entre ceux qui ne souhaitent pas prendre de risque, les salariés, dont la motivation première est d'être payé de leur salaire quel que soient les résultats de l'entreprise, les actionnaires qui prennent le risque,- comme les temps que nous vivons le rappellent tous les jours-, de voir leur patrimoine investi dans l'entreprise fortement diminuer voire disparaître et qui attendent en compensation une rémunération de ce risque qui en tienne compte. Quant aux investissements, c'est une utilisation d'argent d'une toute autre nature et qui obéit à d'autres règles, celle de l'identification de projets d'investissements tout d'abord et de la démonstration de leur rentabilité potentielle.

Notre Président nous avait habitué en matière industrielle au mariage de la carpe et du lapin ( Cf Safran), cette fois c'est de la combinaison des comportements de la carpe, du lapin et de l'oiseau auquel il nous convie!

Revenons tout d'abord sur l'investissement. Dans une entreprise on étudie en permanence des projets d'investissements possibles et on choisi les meilleurs en fonction de leurs potentiels de réussite opérationnelle et financière et des possibilités d'endettement de l'entreprise pour les réaliser. Une entreprise d'ailleurs manque plutot de bons projets qu'elle n'en a en excédent et je n'ai jamais vu un bon projet de pas trouver son financement. Par ailleurs ce ne sont pas les bénéfices passés qui sont réinvestis dans des projets futurs, c'est le financement des projets passés qui vient diminuer le bénéfice de l'année à répartir. Les projets futurs sont inclus, eux,dans le plan d'exploitation prévisionnel de ou des années suivantes et sont dépendant effectivement du profit que le reste de l'activité de la société peut générer pour le supporter.

Le seul intéret du profit passé de la société est de permettre au "prêteur", banque ou actionnaires nouveaux, de juger de la capacité de la société de mener à bien ce projet en fonction des objectifs, de la taille de l'investissement et de la réputation passé de la société à tenir ses objectifs. Incidemment, les préteurs,- banques ou établissements financiers et au delà investisseurs obligataires individuels-, ne sont pas des acteurs du tryptique salarié/actionnaire/préteur qui souhaitent participer au risque pris par l'entreprise. Tout ce qu'ils veulent est une rémunération fixée d'avance, indépendante de la réussite du projet et contractuelle.

Sur la part du bénéfice consacrée aux investissements, désolé Monsieur le Président, je jugerai votre intervention comme " Hors sujet".!!

Passons maintenant à la relation du salarié et de l'entreprise. C'est une relation contractuelle également dans laquelle la salarié attend de son entreprise la rémunération de son travail par rapport à un critère qui est le "marché" de ses compétences et ce quel que soit les résultats de l'entreprise. Il n'est pas intéressé dans cette relation à partager le risque pris par le propriétaire et attend de lui une rémunération certaine et assurée. A posteriori, il souhaiterait,-mais uniquement quand les résultats sont bons-, bénéficier d'une part des bénéfices réalisés. C'est exactement, ce qu'a prévu le législateur dans des dispositifs comme lntéressement ou Participation( ..aux bénéfices incidemment) qui permettent justement que les salariés perçoivent une part des bénéfices réalisés. Des dispositifs qui peuvent dans certaine sociétés représenter une part non négligeable de la rémunération totale ( 3 mois de salaire chez Total !).Inconvénient, cette part de "rémunération" peut varier de manière importante suivant les résultats et n'est pas nécessairement très répandu au delà des entreprises du CAC 40.Notons qu'elle vient impacter à la baisse le bénéfice global déclaré.

Un mot sur la philosophie de l'actionnaire. Le dividende n'est pour lui qu'une partie mineure de la rémunération qu'il attend de son investissement. Le pourcentage, d'ailleurs, du bénéfice distribué à ses actionnaires par les sociétés est de l'ordre de 40 à 50 pct du bénéfice déclaré, le complément étant conservé dans le bilan de l'entreprise sous forme de provisions. La part majeure espérée par l'actionnaire pour rémunérer sa prise de prise est constitué de la réévaluation régulière de la valeur de l'action, le cours de bourse. Un actionnaire attend, pour que le risque qu'il prend en investissant dans une entreprise par rapport à des placements de "pères de famille", immobilier, obligations ou livret A, soit correctement rémunéré est de l'ordre de 20pct par an soit de 2 à 4 pct maximum sous forme de dividendes et le reste dans l'évolution du cours de bourse. Force est de constater à l'heure actuelle que le compte n'y est pas pour les actionnaires qui, sauf exception, comptent leurs pertes en ce moment et ne sont pas prêt d'y réinvestir.

Vous allez me dire que ma démonstration vise a démontrer que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes capitaliste possible et qu'il ne faut toucher à rien. Pas vraiment,bien sur, mais avant de lancer dans la nature des affirmations sous entendues que le salarié dans ce système est maltraité au détriment des actionnaires et de préconiser une répartition différente, il aurait peut être été utile que notre Président se renseigne sur l'existant et sa philosophie et tourne sa langue sept fois dans sa bouche avant de mettre tout son poids dans un tel débat public, à forte connotation populiste.

Il souhaite donc plus d'investissement d'une part et une position de curseur différente dans la répartition salarié/actionnaire. Fort bien. Pour les investissements j'ai montré  ci dessus que cela n'a rien à voir avec la répartition des bénéfices. Pour modifier l'équilibre salarié/ actionnaire, une des solutions consiste à promouvoir davantage que les pouvoirs publics ne l'ont fait Participation et Intéressement et à l'étendre aux sociétés moyennes. Au delà on pourrait associer les salariés à la prise de risque(?) par l'intermédiaire d'investissements bonifiés en actions de l'entreprise pour ses salariés, de distribution d'actions gratuites ou en rendant obligatoire une participation à des plans d'épargne entreprise. Je vois assez mal les salariés et leurs syndicats se passionner pour de telles formules à risque. Il est clair que ceux qu'ils souhaitent ce sont en priorité des augmentations de salaires.

Une telle modification de l'accès aux bénéfices des salariés et des actionnaires a néanmoins des limites car nous vivons dans un monde global dans lequel l'actionnaire, étranger ou français,s'il juge que sa rémunération en France ou dans les entreprises françaises n'est plus satisfaisante, peut fort bien aller voir ailleurs. Or on peut remplacer des salariés qui vous quittent. C'est plus difficile pour des actionnaires.

Tout ceci pour dire que je pense que cette montagne risque fort d'accoucher d'une souris et qu'il est dommage que notre Président de

la République

se positionne en lançant ce débat comme un exemple de l'ignorance économique de nos élites politiques et médiatiques. A ce sujet, incidemment avez vous vu un seul journaliste s'étonner de cette prise de position et en critiquer le fondement électoraliste voire populiste? Moi non plus! C'est la raison de la rédaction de cet article dont je peux vous certifier qu'il m'a demandé une longue réflexion.

Bonne lecture et j'espère réflexion

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Commentaires
Z
Je partage entièrement votre analyse.<br /> Personne ne dit jamais ce que représente le dividende par rapport aux capital. Si l'on comparait la rémunération d'une action au Livret A, on s'apercevrait que ce dernier est nettement plus lucratif, et sûr.<br /> On parle des 14 milliards d'euros de bénéfices de Total, mais à combien se montent ses actifs ? Le rapport ne doit pas être de plus d'un pour cent ! Et que représente le résultat par rapport au capital ? Pas beaucoup plus.<br /> A manipuler des chiffres bruts hors contexte, on agite des chiffons rouges qui excitent les passions et les envieux, et entravent plus le dialogue qu'ils n'aident à avancer.<br /> Aujourd'hui on entend des associations et des organisations demander une taxation spéciale des bénéfices de Total, au mépris des droits constitutionnels, dans la plus grande injustice, les mêmes qui hurlaient contre la "rétroactivité" de certaines lois qui ne l'étaient pas...
C
article. La réflexion je me la suis faite plusieurs fois. On veut tout donner à tout le monde (c'est bien), mais non pas vers le haut, mais vers le bas. Le monde entier doit finir dénudé comme cela il y aura égalité. Les promesses électoralistes des politiques (et populistes) me laissent de marbre. Appliquez le dicton: "les belles promesses rendent les fous joyeux". Poussons la rélfexion plus loin. Les grands, on leur coupe les jambes, les maigres on les gave, les gros on les met au régime, les blonds on les teint etc. ainsi tout le monde sera égal à lui-même. soyons serieux messieurs les politiques et arrêtons de se voiler la face ! Le monde est fait de différences, acceptons-les et arrêtons de tout vouloir contrôler.
G
Excellente analyse qui montre qu'un bon avocat ne fait pas forcément un grand économiste ... fut il, entretemps, devenu Président de la République !<br /> Pour préciser ma pensée sur le sujet, je renvoie tout simplement à mon commentaire du 15 Février sur ton article intitulé " Quelle légitimité pour l'interventionnisme d'Etat dans le secteur privé ? "
CaDerange
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