Retention de sureté....et intervention du chef de l'état
Encore un bel exemple d'interventionisme du chef de l'Etat, une communication très maladroite, peut être aussi un abus de pouvoir du Conseil Constitutionnel et une chasse à l'homme médiatico politique qui va se retourner inévitablement contre le Président sans que les Français n'aient vraiment eu une chance de comprendre le problème sur le fond.
Revenons sur le point de départ de l'affaire. Le Président, et pas mal de français avec lui, trouve anormal que l'on puisse libérer certains criminels ou pédophiles en fin de peine ( et non pas peine purgée car avec les remises de peine, on fait entre la moitié et les deux tiers de la peine initiale donnée par les tribunaux) qui peuvent donc être à même de tuer ou de violer à nouveau. L'actualité hélas nous fournit des exemples fréquents de récidive de ce type. Il décide donc de faire voter une loi qui permette de conserver en "rétention dite de sureté" les délinquants dont on peut penser qu'ils demeurent dangereux pour la société au moment de leur libération.Loi qui recueille la majorité à l'Assemblée Nationale et au Senat et qui peut donc être promulguée puisque les français via leur représentation nationale en ont décidé ainsi.
L'opposition,- et elle en a parfaitement le droit-, demande au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la conformité avec la Constitution de la loi sur la rétention de surété.Le dit Conseil Constitutionnel juge donc que la loi est conforme à la Constitution mais qu'elle ne peut pas être appliquée rétroactivement à des délinquants déjà condamnés et en prison.La suite vous la connaissez, le Président demande à la Cour de Cassation de lui dire comment appliquer quand même cette loi -conforme- d'ores et dejà et l'opposition , le syndicat de la magistrature et les médias déclenchent la chasse à l'Homme.
Le Conseil Constitutionnel dans sa décision, tout en reconnaissant que la loi de rétention de sureté était conforme à la constitution française, a décidé d'en repousser néanmoins l'application aux calendes grecques pour cause de non retroactivité des lois. Il faut en effet, si l'on exclut la possibilité d'application rétroactive de la loi, qu'un criminel ou pédophile grave soit dejà condamné, postérieurement à la promulgation de la loi, à 20 ou 30 ans de prison pour que puisse lui être appliqué en fin de peine, et s'il est encore jugé dangereux pour la société, la retention de surété.
Les membres du Conseil Constitutionnel ont donc pris la responsabilité, tout en reconnaissant que la loi est constitutionnelle, de laisser les français pendant 20 ou 30 ans sous la menace de récidives criminelles de la part de délinquants emprisonnés lorsque ceux ci seront libérés en fin de peine.Est ce bien leur rôle de prendre une telle responsabilité?
Le fond de la question réside dans la reconnaissance ou non dans notre constitution de la notion de retroactivité. Je n'en connais bien evidemment pas la réponse. Si la constitution française statue que les lois ne doivent pas être retroactives alors le Conseil Constitutionnel a eu parfaitement raison de repousser à plus tard l'application de la loi sur la rétention de sureté et incidemment, notre gouvernement aurais pu s'en inquiéter plus tôt plutôt que de " se prendre les pieds dans le tapis" une fois de plus. Si par contre il n'existe nulle mention dans la Constitution d'une interdiction de la retroactivité des lois, c'est le Conseil Constitutionnel qui se rend coupable d'un abus de pouvoir et le Président qui a eu raison de saisir la Cour de Cassation.
On peut regretter par contre la manière dont la présidence a très mal géré la communication sur cette affaire. Plutôt que de paraitre s'opposer à la Constitution comme il le fait, aurait il du expliquer aux français, avant de saisir la Cour de Cassation, la raison pour laquelle il allait le faire, à supposer bien sur qu'il y en ait une de valable.
A suivre avec la prise de position de la Cour de Cassation.
NB Incidemment, il me semble que nombre de lois, en particulier fiscales, ont été appliquées de manière rétroactives. Si la Constitution l'interdisait effectivement, voila qui devrait ouvrir la porte à nombre de contentieux...